15 Max & les congruences

0
(0)

Témoignage de Hamid, enseignant lycée/prépa chez Visiomath

Max, élève de Tle maths expertes, bon niveau avec projet prépa, me dit, un jour de septembre : 

« ¿? En trigo, quand je trouve (7*π)/3 je dis que finalement c’est π/3.

Mais est-ce que je peux dire que ce sont les mêmes « nombres » ?¿ »

Notre analyse Visiomath :

une première réponse serait « non ce ne sont pas les mêmes réels mais ils sont congrus modulo 2π »…

Une telle réponse présenterait plusieurs défauts :

1) elle ne fait pas assez explicitement le lien entre trigo et arithmétique (les deux chapitres sont concernés par les congruences)

2) l’élève ayant un projet prépa, il serait bon de lui donner l’idée (sans trop anticiper le programme sans doute) que son intuition est juste : 7π/3 et π/3 sont bien les mêmes « quelque chose » (on dira l’an prochain « classes d’équivalence » ou « éléments du groupe-quotient »)

3) cette réponse précise (ce sont deux réels non identiques, c’est vrai) n’exprime cependant peut-être pas assez bien le fait que deux réalités se superposent : la droite des réels et son « enroulement » autour du cercle trigo : il y a une surjection canonique qui ne peut pas encore dire son nom mais qu’il faudrait essayer de clarifier

Cette analyse nous amène à la question : qu’est-ce qu’un angle ?

– un angle, c’est un nombre réel, mais il n’y a pas bijection (on peut anticiper le mot « bijection » sur des exemples, l’élève va bientôt le voir avec le TVI) entre les angles et les réels. On pourrait donner l’image que les angles sont les centimes et les tours de cercle sont les €uros, mais cette image est limitée parce que l’écriture usuelle des angles n’est jamais décimale. On pourrait se ramener à la division de l’école primaire (avec peut être l’image de la pendule) et dire qu’un angle, et son reste dans la division par 2π, représentent le même point sur le cercle. Mais la difficulté est qu’en primaire on divisait des entiers par des entiers (ou des décimaux par des décimaux).

– On peut aussi tout simplement faire le tour du cercle avec la craie et montrer que 2π+π/3 arrive sur le même point que π/3.

– Cependant, l’élève a sûrement déjà compris cela, sa question va au-delà, alors peut-être qu’on peut lui dire qu’un angle, c’est un sous-ensemble de R, dans le sens où l’angle du point de coordonnées (1/2;√3/2) c’est le sous-ensemble {π/3+2kπ}. On va déjà vers l’idée de quotient en faisant cela.

– le mieux ici serait de présenter la notion de congruence via l’arithmétique et de dire que ici, c’est la même chose. Si le professeur garde en tête que passer de Z/kZ à R/2πZ n’est pas évident, il parviendra néanmoins à expliquer à cet élève que le principe est le même.

Max étant en math expertes, avec projet prépa, Hamid a profité de la situation de cours particulier (en l’occurence Max était en binome avec un autre élève ayant exactement le même cursus/projet) pour prendre 4 séances de cours de 1h30 afin d’expliquer en détail à Max le lien entre angle trigo, argument, congruences en arithmétique :

Hamid a d’abord parlé de la division euclidienne du primaire sur les nombres entiers avec reste. Puis il a indiqué la notation « classe de 3 » avec un point au-dessus du chiffre 3. Il a fait de nombreux schémas et petits calculs pour expliquer que les classes pouvaient subir des opérations (addition, multiplication par un entier, opposé). Il a rapidement parlé des classes inversibles (sans trop anticiper le programme de sup). Il a parlé de la simplification (peut-on simplifier par 2 dans 2x congru à 34 modulo n) et donné de nombreux exercices. Puis il a montré qu’en trigo aussi il y a des classes, simplement elles sont en nombres infini. À ce stade, le mot « classe » n’a pas été défini formellement, mais lorsque Max arrivera en prépa, le formalisme des groupes quotient lui paraîtra naturel. Hamid a ensuite parlé du problème subtil de la division d’un angle par deux (Max en aura besoin lorqu’il devra résoudre z^2=u) qui nécessite le passage de l’écriture « modulo » 2*theta=truc à l’écriture « réelle » 2*theta = truc + 2kπ, et Hamid fait beaucoup jongler Max entre ces deux écritures. Pour finir, sans embrouiller Max avec trop d’anticipation sur le programme, Hamid fait travailler Max sur de nombreuses conversions cartésiennes<->polaires : Max sera à l’aise quand il verra les conversions forme algébrique<->forme trigo.

On est ici dans un cas où le cours particulier prend la liberté d’anticiper un peu le programme, mais, comme vous pouvez le voir, d’une manière très raisonnable. Faire cela en classe entière demanderait beaucoup de précaution pour que tout le monde suive. Là, en l’occurence, Max et son binome ont tout compris, et ont pu toucher du doigt que derrière l’intuition de Max se cachaient des objets mathématiques assez fascinants : Hamid a prononcé le mot « groupes-quotients » lors de la dernière des 4 séances consacrées à ce point. Max lui a confié plus tard qu’il est allé voir une vidéo sur Youtube, mais qu’il n’a pas voulu approfondir (il a bien raison). Toutefois, l’idée que les mathématiques ont, à tout, niveau, de nouveaux concepts à nous offrir, cette idée a ancré définitivement Max sans son désir de projet prépa [Note : au jour où j’écris ces lignes, Max vient de nous envoyer un mail pour indiquer son grand plaisir d’avoir découvert, en classe (il est en MPSI), les groupes-quotient !] [Note du rédacteur : la théorie des quotients n’est pas explicitement au programme de MPSI/MP, sauf les Z/nZ, mais certains enseignants le font, surtout en MP*]

Image Pixabay

Cet article vous a-t-il plu ?

Cliquer sur les étoiles pour évaluer

Note moyenne 0 / 5. Décompte: 0

Pas de vote jusqu'à présent! Soyez le premier.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Retour en haut